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Les défis de Red Luxury – interview C+Accessoires

Du développement de licences à celui de marques en propre. D’une diffusion Web à une distribution physique. D’une spécialité horlogère à une diversification vers le bijou… Red Luxury fait cohabiter le nouveau monde avec l’ancien. Entretien avec David Emmanuel Cohen et Romain Bénichou, cofondateurs de l’entreprise et nouveaux propriétaires des bijoux Reminiscence.

Une stratégie multicanale bâtie dès l’origine

D’où est partie l’histoire de Red Luxury ?

David-Emmanuel : En classes préparatoires d’écoles de commerce, nous faisions des business plans pour les entrepreneurs. Nous avons pu identifier le besoin d’accompagnement des marques lors de leur diversification en montres et bijoux. A cette époque, le réseau HBJO était en pleine mutation et nous voulions apporter une proposition multicanale. Fin 2012, Red Luxury est né avec ces objectifs.

Romain : Notre projet était d’offrir une double valeur ajoutée. La première concernait le produit : la plupart des sociétés, spécialisées en licences horlogères, offraient peu de créativité au niveau du développement de leurs collections. La seconde touchait la distribution : les licenciés signaient avec des marques et alimentaient leur réseau. Nous avons choisi un autre chemin : analyser les orientations stratégiques du concédant, puis commercialiser en fonction de ses besoins.

Et aujourd’hui ?

Romain : Nous avons débuté sur ce business model, mais avons décidé de nous en éloigner progressivement pour nous orienter vers celui de marques en propre, qu’elles soient rachetées, comme Reminiscence, ou créées, comme Montignac.

Pourquoi cette évolution ?

Romain : Nous souhaitons créer de la valeur à notre société en la construisant à très long terme et, qui dit « contrat de licence », dit « date de péremption ». Même si nous signons des contrats exclusifs et mondiaux, nous préférons dorénavant avoir les mains totalement libres avec nos propres marques et capitaliser sur leurs succès.

Comment est constitué votre portefeuille à ce jour ?

David-Emmanuel : Nous avons trois business units : les marques horlogères en propre — que nous créons depuis les réseaux sociaux et pour les réseaux sociaux comme Rich Gone Broke, Thom Olson ou Montignac; le pôle licences — avec Zadig&Voltaire, Christian Lacroix, Rochas et Opex. Enfin, celui de la fine et bridge jewelry — composé de Ginette NY, Reminiscence et Pamela Love.

A l’origine, vous vous êtes adressés quasi exclusivement au Web. Pourquoi décider ensuite de vous tourner vers le BtoB ?

Romain : Nous n’avons jamais été à 100 % sur le Web. Dès notre première année, une partie du chiffre d’affaires se faisait off line. Il est vrai que nous avons, davantage que nos concurrents, utilisé Internet pour promouvoir l’image de nos marques…

D-E : Le retail a besoin du Web et le Web a besoin du retail. Notre volonté à être mondial et multicanal induit que nous utilisions des outils différents et appropriés en fonction du produit ou du réseau visé.

Reminiscence, de retour sur la scène bijouterie fantaisie

En janvier dernier, vous avez acquis l’activité Reminiscence (hors parfums)…

R : La marque avait été reprise, il y a quatre ans, par M. Gérard Laboureau, un expert parfums qui s’intéressait peu au développement du bijou, car ce n’est pas son métier de base. Il se concentre dorénavant sur l’exploitation des parfums, tandis que nous allons redévelopper la partie bijoux, qui a pesé 40 millions d’euros.

Quid de son réseau de revendeurs ?

R : La marque a compté jusqu’à 300 boutiques spécialisées en bijouterie fantaisie ; nous avons toujours une centaine de points de vente actifs.

En bijouterie fantaisie et en HBJO ?

R : Uniquement en bijouterie fantaisie. Comme dit précédemment, nous souhaitons préserver le réseau de distribution existant.

Où comptez-vous l’implanter ?

R : Dès 2020, dans les corners de grands magasins, où sa présence y était forte. Deux ouvertures sont aussi prévues dans le Sud, l’an prochain. Une boutique a déjà été inaugurée à Saint-Tropez, rue Gambetta, en août dernier. Deux autres suivront également dans le Sud de la France et un nouveau site devrait être mis en ligne dès janvier.

Comment définiriez-vous sa nouvelle identité ?

R : En deux mots : des bijoux de plage qui peuvent se porter le soir. La cliente Reminiscence sera fière de les associer aussi bien à son maillot de bain qu’avec sa robe de soirée.

D-E : Le lancement des collections est prévu pour janvier 2020. Tout d’abord dans l’Hexagone et en Belgique, puis au Moyen Orient, à partir de février-mars. Nous allons reconstruire la marque petit à petit avec sa clientèle fidèle, des boutiques soignées et une diffusion triée sur le volet.

Montignac, une offre pour le réseau physique HBJO

En lançant les montres Montignac en ce début d’année, vous avez souhaité augmenter le panier moyen. Pourquoi ?

R : Il est très difficile d’avoir un avantage compétitif lorsqu’il y a une course qui tire les prix vers le bas. L’idée était de créer un produit avec une valeur perçue par le client final, plus importante que chez nos concurrents.

Quels sont les atouts de cette marque ?

R : Le consommateur en a assez du même article, décliné dans une multitude de couleurs et matières dans une même vitrine ! Avec trois types de boîtiers différents, nous touchons une clientèle masculine plus large, tout en restant cohérents avec notre image de marque. Enfin, nous distribuons des marges plus avantageuses que nos concurrents – entre 10 et 30 % supplémentaires. Pour exemple, nous avons développé un boîtier extra-slim et des mouvements automatiques « squelette » fiables pour un produit vendu autour de 289 €. C’est l’un des meilleurs rapports qualité prix sur le marché.

Est-elle commercialisée on line ?

R : Montignac a aujourd’hui 10 000 followers, qui sont systématiquement redirigés vers nos revendeurs Grands Comptes ainsi que nos partenaires HBJO. Malgré de nombreuses demandes sur Instagram, nous avons également pris la décision de ne pas faire de e-commerce sur notre site Montignac.

Avez-vous l’intention de développer des lignes de bijoux ?

R : Montignac va sortir une collection de bracelets facile à porter et à prix accessibles. Nous croyons beaucoup au segment masculin, qui reste à ce jour peu exploité.

Une date de lancement est-elle prévue ?

R : Un premier coffret sortira pour les fêtes de fin d’année, puis la ligne sera complétée dès janvier 2020.

Une conception internationale de l’entreprise

Vous êtes-vous attribués des zones géographiques ?

R : David chapeaute les zones Amérique du Nord, Amérique latine et Moyen-Orient, tandis que je m’occupe de l’Europe et de l’Asie.

L’internationalisation de Red Luxury semble être un axe stratégique ?

D-E : Il y a deux ans, l’export n’atteignait même pas 10 %. Aujourd’hui, c’est 40 % de notre chiffre d’affaires. J’habite aux Etats-Unis où je développe le marché local, qui représente maintenant 3 millions d’euros. Nous avons aussi des bureaux à Dubaï, Genève et une joint-venture à Séoul.

R : Notre stratégie vise à commencer au niveau local pour s’étendre par la suite globalement. Si nous restons « local », nous ne mutualisons plus. Or la politique de Red Luxury est basée sur la synergie des coûts, des savoirs et des compétences et le partage des success stories.

Comment votre groupe est-il structuré ?

D-E : Sur un total de 70 personnes, 25 sont en charge du marketing, 15 au commercial, 15 à l’administratif et les autres gèrent la direction opérationnelle.

R : Sur Paris, l’activité est séparée en deux entités : Red Luxury pour les montres et Red Luxury Jewelry pour les bijoux.

Où se trouve votre plateforme logistique ?

R : Chaque bureau possède la sienne. En France, elle est située à Roissy.

Êtes-vous présents dans le réseau duty free ?

R : Nous sommes chez Royal Quartz avec trois points de vente : deux à Roissy et un à Orly et également dans la boutique Air France. Ce secteur connaît une forte croissance chez nous. Nous exposons aussi tous les ans lors du salon du Tax Free à Cannes, depuis 2016.

Quels sont vos prochains défis ?

R : Un certain nombre de nos marques sont éco-friendly et éthiques. Par exemple, tout l’or utilisé par Pamela Love est recyclé à 100 % et les diamants sont de synthèse. Nous nous sommes fixé un horizon à trois ans pour respecter — et faire respecter par nos partenaires — un certain nombre de critères RSE : en termes de travail éthique, de recyclage, de faible utilisation de cadmium ou de nickel… Si nous voulons tendre vers le luxe, nous avons besoin de nous préoccuper du Bien.

Recherchez-vous d’autres labels à racheter ?

R : Non, pour l’instant nous nous concentrons sur nos marques, qui sont en forte croissance : Ginette NY est à + 30 % ; pour Reminiscence, tout reste à construire ; dans le cas de Montignac, nous avons dépassé de très loin le business plan prévu et puis nous allons internationaliser Pamela Love avec un lancement en France, en janvier prochain… Un gros début d’année 2020 nous attend.

Société en chiffres

Actionnariat : Interparfums SA, fonds d’investissement Newfund et les deux associés dirigeants

CA 2018 : 20 millions d’euros

Siège et filiales : Paris, New York, Dubaï, Genève et une joint-venture à Séoul

Nbre de salariés : 70

Nbre de pts de vente multimarques en France : 450 + corners dans les grands magasins (Galeries Lafayette, Printemps, Bon Marché) + Grands comptes HBJO

Nbre de pts de vente multimarques en France et à l’Etranger : 2 000 + corners dans les department stores (Saks, Neiman Marcus, Lane Crawford, Barneys…)

Licences : Zadig&Voltaire, Christian Lacroix, Rochas et Opex

Marques en propre : Rich Gone Broke (créée en 2012), Thom Olson (créée en 2017), Montignac (créée en 2018), Ginette NY (rachetée en 2017), Reminiscence (rachetée en 2019), Pamela Love (rachetée en 2019).